Le village de pêche blanche permet de taquiner le poisson en pleine ville
Les petites cabanes s’alignent sur la glace. Les pieds glissent sur la surface gelée du bassin. Ici et là, des gens rient, d’autres se concentrent, les yeux rivés sur leur ligne. On se croirait sur un lac des Laurentides, mais le paysage urbain en arrière-plan et le fleuve Saint-Laurent qui déferle à une
centaine de mètres à peine brisent l’illusion. Le nouveau village de pêche blanche qui s’enracine dans le bassin du Quai de l’Horloge, dans le Vieux-Port de Montréal, permet aux amateurs de pêche sur glace de pratiquer leur passe-temps à deux pas de chez eux.
À quelques minutes du métro Champ-de-Mars, le site de 270 000 pieds carrés accueille, jus qu’au 31 mars, pêcheurs aguerris et curieux en quête de nouvelles expériences à coups de 500 personnes à la fois, au maximum. « Les réservations vont bon train, lance Nathalie Émond, l’une des têtes derrière le projet, un sourire aux lèvres. Dans les prochaines semaines, nous attendons autant des familles que des groupes corporatifs. Et, bientôt, ce sera les groupes scolaires. »
Elle admet qu’il n’y avait pas de véritable demande pour ce genre d’activité dans la métropole avant la création du village, mais le public semblait déjà très réceptif à la veille de l’ouverture, à la mi-janvier. «
Les gens aiment cette activité originale, différente de ce qui est proposé normalement l’hiver, en ville. »
Longtemps réservée aux automobilistes à cause de l’éloignement des sites, la pêche sur glace est maintenant accessible aux citadins tous les jours de la saison hivernale, des petites heures du matin jusqu’aux limites du jour – de quoi satisfaire tous les horaires. Et pas besoin d’être un initié : de l’abri à la ligne en passant par les permis, tout est disponible sur place.
Glace et redoux
L’initiateur du projet, Jean Desjardins, guide sur le fleuve depuis quel ques années et pêcheur avéré, cherchait depuis longtemps un lieu pour établir son village de pêche urbain. « Le bassin du Quai de l’Horloge est l’endroit idéal, dit-il en embrassant l’espace du regard. C’est une enclave, il n’y a pas de courant. »
Au coeur de la marina du Yacht Club de Montréal – de qui ils louent l’emplacement -, lui et son équipe ont pu donner naissance à leur projet à l’abri des vagues et des bouleversements aquatiques. « À partir du 26 décembre, juste avant la grosse tempête, on a arrosé et tapé la glace pour qu’elle soit assez épaisse », raconte l’homme au visage rougi par le froid.
Ainsi, les frileux que les escalades du mercure depuis le début de l’hiver inquiéteraient peuvent dormir l’esprit tranquille. La glace est là pour de bon. Selon la Société de sauvetage, l’épaisseur sécuritaire minimale pour taquiner le poisson pendant la saison froide est de quatre pouces. Or, celle du bassin varie déjà entre 14 et 24 pouces.
« Le redoux, c’est ce qu’il y a de mieux pour une glace, explique Jean Desjardins sur un ton rassurant. Ça fait fondre la neige, la véritable ennemie de la glace, et ça crée une croûte compacte. » Ce qui permet de gagner encore quelques pouces quand le thermomètre redescend sous zéro.
Dans la même lignée que la Plage de l’Horloge, qui a vu le jour à l’été 2012, le nouveau village de pêche se veut une occasion pour les Montréalais de se réapproprier leur rive. « Montréal est une île, mais des fois, on se croirait en plein désert ! », lance Nathalie Émond en riant. L’équipe – avec l’aval de la Société du Vieux-Port de Montréal – souhaite que les citadins redécouvrent tranquillement les avantages de se trouver au coeur du Saint-Laurent. « Le mythe du fleuve pollué des années 70 persiste encore aujourd’hui. Mais il y a eu un réel effort au cours des dernières années pour l’assainir. Personnellement, je m’y suis baignée cet été. Et plus d’une fois ! »
Dans cette optique, les dorés, perchaudes et brochets que les pêcheurs attraperont sur le site sont propres à la consommation. Depuis quelques semai nes, le cuistot de l’équipe, Daren Bergeron, du restaurant Fou d’ici prêt-à-manger, propose d’ailleurs aux amateurs de poissons d’apprêter et de déguster leurs prises sur place.